Trois idées reçues sur l’improvisation en jeu de rôle

L’angoisse de la page blanche. Ce fameux blocage qui me hante parfois, même après avoir soigneusement lu et préparé un scénario du commerce. Tout est prêt : les notes sont en place, la trame est claire… et pourtant, à l’approche de la date de la partie, l’inquiétude grimpe. Et si les joueurs prenaient une direction inattendue ? Et si je n’arrivais pas à improviser ?

Cette peur ressemble beaucoup au trac de l’acteur juste avant d’entrer en scène. Sous le feu des projecteurs — ou plutôt, face à mes amis réunis autour de la table — je veux leur offrir une aventure marquante, épique, pleine de rebondissements. Et pourtant, je redoute leurs idées brillantes ou complètement farfelues, car j’ai peur de perdre le fil du scénario, de briser la cohérence de l’histoire.
Est-ce un manque d’assurance ? Une peur qu’ils repèrent des incohérences, ou que les mécaniques s’avèrent bancales malgré mes relectures ? Ou simplement la crainte de ne pas être à la hauteur de leurs attentes ?

Pendant longtemps, cette appréhension m’a poussé à sur-préparer. Mais avec le temps, trois idées simples m’ont aidé à lâcher prise — et elles pourraient bien vous être utiles aussi.


1. On est entre amis, pas à un concours

C’est évident, mais ça mérite d’être rappelé : la plupart du temps, on joue avec des amis. Des gens qui nous apprécient, qui sont là pour passer un bon moment. Ils ne viennent pas juger notre performance ou décortiquer notre gestion des règles. Ils sont là pour s’immerger dans l’aventure, partager un bon moment, et souvent, ils ne remarqueront même pas nos hésitations.

D’ailleurs, en tant que joueur, ai-je déjà blâmé un MJ pour avoir pris quelques secondes de réflexion ? Non. Je suis souvent tellement pris par l’histoire que je ne perçois même pas ses doutes. Alors pourquoi devrais-je m’inquiéter quand c’est moi derrière l’écran ?

Nous ne passons pas un grand oral. On joue entre amis.


2. Le cerveau est une fabrique à cohérence

C’est l’un des principes de base de la psychologie de la Gestalt : notre cerveau cherche en permanence à donner du sens à ce qu’il perçoit. Il comble les vides, relie les points, invente des liens même là où il n’y en a pas.

En jeu de rôle, c’est pareil : les joueurs vont naturellement chercher à comprendre ce qui se passe. Ils vont combler les blancs, interpréter les silences, et trouver des explications là où, parfois, il n’y avait que du flou.

Même s’il y a une incohérence dans le scénario, même si vous improvisez quelque chose qui dévie du plan initial, vos joueurs vont souvent le percevoir comme une partie intégrante de l’intrigue. Ils vont y voir une intention… même si vous venez tout juste d’inventer le détail.

Faites-leur confiance : leurs cerveaux feront le reste.


3. Oui, l’improvisation, ça se prépare

Improviser, ce n’est pas tirer quelque chose de rien. C’est s’appuyer sur un socle d’éléments qu’on a préalablement préparés : des noms de PNJ, des descriptions multisensorielles, des attitudes types, des lieux… Et aussi, les points où l’on se sent le moins à l’aise.

Moi, par exemple, j’ai du mal à sortir des répliques percutantes ou à décrire une scène en faisant appel à autre chose que la vue ou l’ouïe. Alors je prépare ça à l’avance. Et ça me rassure.

Comme dans le sport, on ne se lance pas dans un marathon sans entraînement. En jeu de rôle non plus. Plus on pratique, plus improviser devient naturel.


Bonus : acceptez de ne pas tout contrôler

C’est peut-être la chose la plus difficile à intégrer. Il faut accepter que vos joueurs auront toujours des idées que vous n’aviez pas envisagées. Et ce n’est pas grave. Mieux : c’est une richesse.

Si vous êtes pris au dépourvu, demandez-leur leur avis, impliquez-les. Ils se sentiront écoutés et valorisés — et vous aurez le temps de rebondir.

Et si vous voulez tester quelque chose d’amusant : glissez une petite incohérence volontaire dans votre prochaine partie… et observez comment vos joueurs s’arrangent pour lui donner du sens. C’est bluffant.


En résumé : l’improvisation, ce n’est pas l’absence de préparation. C’est savoir lâcher prise, avoir confiance dans la dynamique du groupe, et s’appuyer sur l’intelligence collective autour de la table. Car après tout, on est là pour s’amuser.

Au secours ! Y a un pec qui me menace... Il a un gland dans la main !

Madmartigan