Jouez positif !

Jouez positif, on vous le rendra ! Aujourd’hui, penchons-nous un peu (pas trop) sur ce qui fait qu’une partie est frustrante. On accuse presque toujours le MJ de ne pas favoriser l’immersion, ou de ne pas assurer ; ou un joueur en particulier, qui « minimaxe » ou qui ne joue pas son rôle correctement… C’est possible. Et le MJ a de toute façon sa part de responsabilité sur ce qu’il autorise (et QUI il autorise) à sa table, même si ce n’est a priori pas à lui de faire la police. Nous ne sommes plus à l’école pour avoir besoin d’un surveillant afin de se bien comporter et de partager nos jouets, non ?

J’en entends qui disent que si, en fait, il y en a qui auraient besoin de ça. C’est… terrible. C’est dommage pour eux. Je vous conseille de les éviter, mais je ne peux pas faire grand-chose de plus : c’est un problème humain, pas un problème de jeu ou inhérent au JdR. C’est peut-être révolutionnaire pour certains mais je vais dire une évidence : le MJ n’est pas le seul responsable de ce qui se passe à la table, et ce n’est pas « juste » de la faute du joueur qui a le « style donjon années 80 » si une partie est frustrante. C’est de la faute de tout le monde, collectivement ou individuellement.

Il existe une série de « bonnes » et « mauvaises » pratiques, souvent de simple bon sens, qui devraient être identifiées par les joueurs comme par les MJ. Aujourd’hui, je vais donner une série de conseils aux joueurs sur comment ils peuvent s’investir dans la partie, non seulement pour tirer plus de plaisir du jeu, mais donner du plaisir aux autres à la table !

Ne nous demandons pas ce que la partie peut faire pour nous, mais ce que nous pouvons faire pour la partie. Le jeu de rôle est un passe-temps où l’on donne autant qu’on prend, et je trouve que trop de joueurs viennent à la table en attendant beaucoup (un spectacle, un défouloir, des amis, de la nourriture) sans donner grand-chose (peu d’investissement, pas d’histoire, le refus d’aider les autres ou de les laisser briller aussi ; et j’en passe).

C’est un tort. Et cela vient sans doute d’un manque réel de conseils sur ce point, ou même d’examen de la situation des parties. Ne serait-ce que pour savoir quel type de comportement aide ou n’aide pas ! J’ai lu (et écrit) des tas d’articles sur la bonne manière de maîtriser une partie,les écueils à éviter en tant que MJ, et ainsi de suite ; mais les articles à destination des joueurs sont plus rares. Ce qui est étrange, puisque, dans notre petit milieu, il y a bien quatre ou cinq joueurs pour un MJ, non ? J’aimerais réparer cet oubli, avec quelques conseils, souvent de bon sens et parfois un peu plus profonds, issus majoritairement du monde du théâtre et de l’improvisation.

Faites ! Bougez ! Parlez ! Soyez actif et proactif !

Si vous n’apprenez qu’un conseil, que ce soit celui-là.Ce qui différencie le joueur de jeu de rôle du spectateur de cinéma, c’est qu’il a la possibilité de prendre part à l’histoire. Soyez donc actif ! Le but d’avoir un personnage à la table est de FAIRE DES TRUCS. Vous, les joueurs, êtes les héros de l’univers très personnel décrit à votre table de jeu, et vous n’avez pas plus de quelques heures pour vivre une aventure palpitante. Alors pourquoi ne pas se sortir les doigts du cul, hein ? Sans aller jusqu’à empêcher les autres de jouer, ne laissez pas les autres tout faire tout seuls : un acteur du récit, c’est actif. Pourquoi jouer un personnage qui s’ennuie, surtout au milieu de gens qui font le boulot à votre place ? Menez l’enquête. Cherchez. Posez des questions. Suivez les pistes. Tous les types de personnages le peuvent, pas simplement les personnages sociaux ; ils n’affectent simplement pas les mêmes éléments de l’histoire… mais ils l’affectent quand même !

À chaque scène, demandez-vous « Quels sont mes objectifs ? Que puis-je faire pour y tendre ? », etc. Même dans une scène où votre personnage « s’ennuie », ne vous ennuyez pas vous-même, décrivez plutôt ce que fait votre personnage !

Votre personnage est issu du « logos », incarnation de votre discours

C’est pompeux, comme terme, mais vous allez comprendre.

Le jeu de rôle est un médium parlé. Il vous faut bien réaliser une chose : votre personnage existe pour les autres à la table UNIQUEMENT par le truchement de ce que vous décrivez, de ce que vous dites. Comme l’univers du MJ, d’ailleurs. Vous pouvez écrire autant de pages de background que vous le souhaitez, elles n’ont aucune espèce d’importance si vous ne les incluez pas dans la partie vous-même. Ne comptez pas sur le MJ pour tout faire, car c’est avant tout votre personnage !Votre personnage est un homme d’affaires retors ? Négociez durement devant les autres joueurs. Votre perso est un virtuose ? Faites-le jouer d’un instrument devant le reste du groupe. Certains croient que jouer un personnage asocial est une excuse pour ne pas parler, ne pas jouer… C’est faux ! C’est un trait de caractère, il faut donc le montrer. Soyez un auteur en plus d’être un acteur : si vous restez silencieux, vous ne communiquez même pas l’attitude du personnage, vous n’agissez même pas.

Par exemple, si vous jouez un rôdeur qui a du mal avec les interactions sociales, ne vous réfugiez pas dans un arbre dès qu’il faut parler ! Jouez le rôdeur qui bredouille, qui cherche ses mots, qui s’irrite, qui met les pieds dans le plat, etc.Si je devais résumer les deux premiers conseils, je dirais : ne restez pas assis sans rien dire en attendant que l’aventure vienne à vous. Le joueur apathique et inactif qui assiste à l’histoire parce qu’il ou elle est « timide » ou « ne sait pas quoi faire », je l’ai trop vu. C’est parfois difficile de sortir de sa coquille, mais si vous ne le faites pas, est-ce que vous jouez encore au jeu de rôle ? Je ne le crois pas. Je crois que vous regardez juste les autres se démener comme des singes savants.

Soyez un auteur en plus d’être un acteur !

Oui, je sais, on vient de le dire, mais ça mérite d’être répété. Dans les jeux du Monde des Ténèbres (qui sont apparemment incapables d’appeler un chat un chat, mais passons – ça n’enlève rien au plaisir que j’éprouve à y jouer !), le MJ s’appelle un « conteur ». C’est idiot, parce que si c’était vraiment un conteur, les joueurs n’auraient pas le pouvoir d’orienter ou de changer l’histoire. Mais il y a du vrai là-dedans : le MJ raconte l’histoire. Il est simplement facile d’oublier que ce n’est pas le seul. C’est AUSSI votre boulot en tant que joueur. Et en plus vous n’avez rien à préparer, alors faites tout de même un effort.Parlez. Développez votre personnage. Trouvez-lui une attitude, une « voix ». Décrivez vos actions. Décrivez le monde autour de vous, comme le fait le MJ, en collaboration : s’il a décrit que vous étiez dans une auberge à peu près normale, vous savez qu’il s’y trouve des bouteilles même s’il ne vous l’a pas dit. Vous pouvez les commander, les prendre, vous en servir comme arme… Le MJ acceptera tout, pourvu que ça aille avec ce qu’il vous a décrit et le reste de ses plans !De même, un bon MJ ne soliloque pas longuement ; afin de ne pas ennuyer tout le monde et de leur permettre de parler et d’agir. Vous, c’est pareil. Ne monopolisez pas le devant de la scène. Faites court, faites ce qu’il faut, allez droit au but.

Ne bloquez pas les autres !

Ils ont le droit de jouer aussi. Comme le MJ, ne dites pas «non», dites «oui, et». Ce n’est pas forcément évident ou intuitif. «Non», c’est frustrant pour tout le monde, c’est grossier et malpoli, et c’est inutile. Quand le guerrier du groupe dit « Je casse le nez du marchand d’un coup de poing » mais que votre paladin est contre, et que vous dites «J’attrape sa main avant qu’il ne puisse le faire», au final, il ne s’est RIEN passé en termes de jeu. Il s’est passé peu de choses en termes de narration (un instant de flottement gênant, au mieux) et vous n’avez fait que limiter le pouvoir narratif de votre ami à la table. C’est mal !

Même si vous trouvez son action stupide, et que vous n’avez pas tort, ça n’est pas une raison. Ce que vous avez fait, c’est annuler deux éléments narratifs l’un contre l’autre au lieu de construire avec. Vous n’avez fait que perdre du temps de jeu en dispute, et ça, vous n’en avez pas beaucoup. Au lieu de ça, suivez et réagissez : regardiez-vous ailleurs ? Est-ce que vous vous précipitez pour aider le marchand à se relever et vous excuser, et réprimander le guerrier, avant que ça ne dégénère ?

Vous pouvez aussi sauver le guerrier des gardes du marchand, déclencher une rixe générale de laquelle vous vous enfuyez, faire jouer votre statut pour que le marchand ne fasse pas de scandale… Bref, ne démolissez pas, extrapolez !

Même sans bloquer, ne lésez pas les autres personnages !

Je ne rigole pas, ça a détruit une de mes campagnes. Le voleur qui pique l’équipement des autres joueurs sans que leurs personnages s’en rendent compte, «parce que c’est un voleur». Le mec qui joue un Kender ou un gnome illusionniste et qui fait des farces en plein milieu des négociations, « pour le fun ». Ce mec-là, je vous jure, personne ne l’aime. Ne soyez pas ce mec. Chassez-le de vos tables, il fait chier. Cette attitude ne fait pas avancer l’histoire, elle la fait RECULER. Elle n’aide pas, elle empêche. Vous n’êtes pas la solution, vous êtes le problème. Vous êtes le « schtroumpf farceur », et personne ne rit de ce genre de blagues.

Il y a plein de trucs dans l’univers de jeu sur qui faire ça. Défoulez-vous dessus. Si vous lésez, volez ou attaquez les autres PJ, vous exercez votre pouvoir narratif CONTRE eux. S’ils s’en aperçoivent en tant que joueurs (même si ce n’est pas le cas pour leurs PJ), que feront-ils ? Que feriez-vous ? Est-ce que vous allez les forcer à réagir ? Est-ce que ça va s’envenimer ? Est-ce qu’ils pourraient vous chasser du groupe, voire vous tuer ? Ce ne serait pas amusant, ni pour vous, ni pour eux.Il y a des jeux qui intègrent le « joueur contre joueur » (Paranoïa, Vampire, l’horrible Perfect Unrevised…), et il est parfois possible de jouer un traître. Mais ce n’est généralement pas le cas : quand la confiance est brisée à la table, personne ne veut plus jouer.

Si vous heurtez la sensibilité de quelqu’un, excusez-vous et discutez-en !

Soyez gentil et poli, quoi.Si vous pensez avoir heurté quelqu’un, parlez-en en aparté, au calme. C’est de la politesse, et du simple bon sens. Parfois, quand on joue un gnome ou un vampire, ou peut oublier qu’il y a de « vraies gens » en face. Dans la plupart des jeux, on évite de jouer ou de mettre en scène la torture, le sexe, et ainsi de suite… même s’il est tout à fait possible que cela se déroule « hors champ », ou que des personnages aient été terriblement affectés par un viol passé, par exemple.Il est si facile, dans la vraie vie, de choquer les gens ! La plupart des êtres humains (le croirez-vous ?) n’ont pas envie de discuter de bébés morts et de viol au dîner (ou n’importe quand) à moins d’en parler sérieusement et avec respect. Et il n’y a pas de règle. Les « sujets qui fâchent » dépendent des personnes. Peut-être que tel ou tel joueur, qui n’a aucun souci avec la mort, éprouve simplement de l’inconfort quand votre personnage insulte le sien. Chacun est différent, et rien de tout ça n’est grave entre gens civilisés.

Personnellement, j’aime manifester mon affection publiquement à mon amoureux, et vice-versa… mais, en fonction du personnage que je joue, je trouve inconfortable que nos deux personnages se draguent devant les autres, à la table ! Et je n’ai par ailleurs aucun souci en ce qui concerne les scènes de meurtre. C’est vraiment une question d’intimité.Le jeu de rôle entretient un rapport étrange avec la « vraie vie », de par le fait qu’on y incarne quelqu’un d’autre dans un cadre où on peut « se lâcher ». Il arrive que ça aille un peu loin. Ce n’est pas si grave, mais il faut rappeler la base : la politesse.

Stanislavski et sa méthode Point trop n’en faut.

La méthode de Stanislavski (celle de l’Actor’s Studio – bien que je schématise vraiment beaucoup pour les besoins de cet article, parce que c’est quand même beaucoup plus complet et compliqué que ce qui peut se résumer en deux paragraphes !) est que l’acteur doit habiter son personnage, s’absorber dans ce rôle, coller à ses motivations, s’oublier, et réagir exactement comme son personnage le ferait dans toutes les scènes. Cette méthode implique qu’il y a plus dans un personnage que juste ce qui est montré par les scènes. C’est très bien. Il faut essayer de le faire, dans une certaine mesure, pour s’imaginer,ce que ferait le personnage dans telle ou telle situation.

Mieux incarner le personnage, s’investir émotionnellement en lui… Pourquoi pas ? Ce n’est pas ma définition d’une soirée fun entre amis un vendredi soir, mais c’est profond et intéressant. Il m’est arrivé de me « mettre en condition » avant une partie, en tant que MJ ou joueur, en écoutant certaines musiques ou en me vidant la tête, en me demandant ce que ferait mon personnage… Je pense qu’il ne peut en sortir que du bien pour la partie.

J’ai connu des jeux très intenses, très émotionnels, tragiques parfois. Un bon scénario de l’Appel de Cthulhu peut avoir la force d’une tragédie grecque. Bien fait, c’est VRAIMENT bon. Mais la méthode est vraiment adaptée à tout ce qui est écrit, et le jeu de rôle ne l’est pas : un acteur ne peut pas dire « mon perso ne ferait pas ça », ne peut pas improviser en permanence, ne peut pas partir dans le décor… Il y a un texte et une intrigue à laquelle il doit coller. Le joueur, non.On peut jouer son personnage «jusqu’au bout» et ignorer les autres joueurs, leurs buts, l’histoire, et détruire le scénario, comme on détruirait une pièce. « Je suis un assassin : je tue le roi au lieu de sauver sa fille. Faut pas m’en vouloir, je joue mon perso. » Un comportement stupide qui lèse les autres joueurs et détruit la préparation du MJ. Voilà le danger.

Brecht et la distanciation

Ou « jouez votre PJ comme votre PNJ », comme outil pour faire une meilleure histoire.

Brecht, lui, au théâtre, était partisan du fait qu’il fallait distancier le public, le choquer, et lui faire comprendre (pour qu’il réfléchisse) que ce qu’il voyait n’était PAS réel. Les personnages de Brecht, des masques et des archétypes, n’existent plus une fois le rideau tombé. La distanciation, c’est interrompre l’effet d’identification au lecteur, à l’acteur. C’est aussi empêcher que le joueur s’identifie tout à fait à son personnage. Pas toujours idéal, mais… dans une certaine mesure, c’est nécessaire.

Ne pas s’identifier à son personnage, c’est bien : ça permet d’éviter les écueils de Stanislavski (voir plus haut). Par exemple, tous les joueurs qui ont un jour dit « c’est pas moi, c’est mon perso » pour justifier une action débile ou un comportement psychopathe devraient me copier cent fois « Je contrôle mon personnage, ce n’est pas mon personnage qui me contrôle » ! Bien jouer à un jeu de rôle nécessite que vous sachiez à tout moment que vous êtes dans un jeu (et encore heureux). Parce que vous n’avez pas de script, il vous faut aussi être auteur… ou le coauteur. Vous contrôlez votre personnage au même titre qu’un écrivain contrôle son héros. Vous devez donc garder une certaine distance « brechtienne », et avoir à l’esprit non pas simplement ce que ferait votre personnage, mais ce qui serait mieux pour l’histoire !

Le métajeu n’est pas un gros mot !

C’est un conseil qui fait suite aux précédents : choisissez la meilleure histoire. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : il ne s’agit pas d’aller voir les caractéristiques du boss final dans les règles, ni de faire réagir votre personnage en fonction de choses qu’il ne connaît pas. Il s’agit simplement d’être un coauteur responsable. Disons que le groupe a besoin d’un objet qui se trouve chez un noble. Votre voleur peut s’en emparer seul, et c’est ce qu’il « voudrait » faire… mais vous remarquez que le prêtre a eu peu d’occasions de jouer aujourd’hui.

Votre personnage n’aurait PAS DU TOUT envie qu’un prêtre bigot, bruyant et maladroit vienne avec lui. Mais demandez-vous quelle est la meilleure histoire : «Le voleur entre et sort, et ramène l’objet » ou, après vous être arrangé avec l’autre joueur, « Le prêtre insiste pour venir avec le voleur et surveiller ses mains baladeuses… s’ensuit une mini-quête avec un duo de personnages que tout oppose mais qui finiront par mieux se comprendre ; occasion de développement, et surtout de fun ».

En trouvant des raisons pour aller à l’encontre des instincts de votre personnage (vous pouvez le faire, il ne se vexera pas : il n’est pas réel !), vous l’avez développé. Il est PLUS un personnage maintenant qu’avant : il lui arrive des trucs intéressants !

En tant que MJ, j’aime mille fois mieux un plan débile mais drôle et qui fait intervenir tous les PJ de manière spectaculaire qu’un plan sage mais plat, ou qui frustre l’un des joueurs dont les compétences ne sont pas requises. Et ce n’est pas moi qui fais les plans de mes joueurs… C’est donc à eux qu’incombe cette responsabilité.

Donc, maîtrisez votre personnage !

Ne vous oubliez pas à l’intérieur de celui-ci.

On l’a dit, la phrase « Mon personnage ne ferait pas ça » est odieuse, et c’est presque toujours une excuse… C’est un NON franc et massif, un refus de participer que le joueur oppose au scénario du MJ (qui, s’il est un bon MJ, a quand même fait en sorte que ça colle à peu près au groupe). Plutôt que de jouer votre personnage figé par le code de « je fais » ou « je ne fais pas », accueillez les complications et les obstacles, et trouvez moyen d’en jouer… vous vous amuserez beaucoup plus.

Pourquoi votre voleur accomplit-il une mission pour/avec une Église qui le ferait pendre haut et court en temps ordinaire ? À vous de voir. Peut-être cherche-t-il le repentir, ou simplement l’amnistie. Peut-être qu’il veut nouer des contacts utiles avec la « loi »… Ou peut-être fait-il ça parce qu’il est fidèle à ses amis, qui composent le groupe d’aventuriers. Ou par simple amour du danger, pour le défi. Ou pour sauver le monde. Et dans tous les cas, jouez-le. Un personnage dans une situation inconfortable, c’est pain bénit pour une bonne histoire.

Vous vous souvenez de l’histoire du hobbit qui reste chez lui, « comme tout bon hobbit », quand Gandalf lui demande de partir sauver le monde, et dont le village se fait cramer par les orques un an plus tard, lui compris ? Non. Et pour cause.

Non, mais sérieusement, là : Maîtrisez votre putain de personnage, ou changez-en.

Vous n’êtes pas seul.

Si vous avez continuellement besoin de justifier vos actions par rapport aux motivations de votre personnage, il y a peut-être un problème… avec les motivations de votre personnage ! Sont-elles gravées dans la pierre ? Non. Alors ne les considérez pas comme telles. Si vous trouvez moins frustrant et plus amusant d’assouplir un peu vos motivations, voire de les changer, faites-le. Cela s’appelle évoluer, changer, ça arrive à tout le monde dans la vie, et c’est aussi très intéressant en jeu de rôle.

Si vous avez vraiment envie de jouer votre personnage tel quel, alors peut-être que ce groupe n’est pas fait pour vous. Ou ce MJ… Ou ce scénario… Ou encore ce jeu. Essayez de jouer un autre personnage, qui colle mieux. Il est important de respecter vos envies, mais tout aussi important de respecter celles des autres : c’est un équilibre. C’est le groupe qui compte ; comprenez bien que vous êtes UN héros, pas LE héros, et que vous n’avez pas le droit de gâcher le jeu des autres.

Vous êtes unique, mais pas plus « spécial » que les autres : vous faites partie de l’histoire, ce n’est pas juste VOTRE histoire. Vous êtes co-auteur : vous pouvez changer votre idée à loisir pour trouver le juste équilibre entre s’imposer et s’effacer.

Maîtrisez le système de jeu…

Si vous connaissez bien le système de jeu, il est plus facile au MJ de mener la partie pour vous. Vous connaissez déjà les limites de votre personnage, vous pouvez calculer les chances de réussites d’une action. Vous comprenez les « lois » du monde, et vous pouvez évaluer une situation et agir en conséquence, comme dans la vraie vie. Tout est tout de suite plus facile, parce qu’on n’a pas besoin de perdre du temps à tout vous expliquer, comme à un nouveau joueur.

Bien sûr, si vous êtes effectivement nouveau, aucun problème ! Tout le monde s’en accommodera et vous expliquera. Vous devrez cependant vous investir aussi, et retenir ce qu’on vous dit pour assimiler le système. Rien de plus agaçant que quelqu’un à qui on est obligé de tout réexpliquer trois fois, ou même de réexpliquer les règles à chaque nouvelle partie. Même s’il y a du temps entre les séances, le MJ et les autres retiennent un maximum, alors pourquoi pas vous ?

Cauchemar : j’ai passé une partie entière de Vampireà expliquer à un joueur, à chacun de ses jets de dé, comment savoir combien de dés on lance… C’est pourtant la base du système avec lequel nous jouions depuis plusieurs scénarios !

… mais ne faites pas le malin avec les règles !

Si vous discutez d’une règle plus de vingt secondes, c’est généralement trop.

Ne devenez pas le « rules lawyer » du groupe. Il ne s’agit pas simplement de ne pas contester les décisions du MJ à cause d’un point de règle (ou d’autre chose, d’ailleurs), mais de ne pas bloquer les autres joueurs pour la même raison ! Lorsqu’un autre joueur veut faire telle ou telle action, ne dites pas « ce n’est pas possible, parce que (règle X ou Y) », ou « ça n’a pas cet effet-là, parce que (règle X ou Y) ». Fermez votre PUTAIN DE GUEULE et ne gênez pas l’immersion des autres. C’est au MJ de « dire ».Si le MJ se fait avoir, c’est son problème. Plus souvent, si le MJ accepte parce qu’il trouve ça cinématique ou narratif, et que ça va à l’encontre d’une règle, ce n’est pas à vous de casser l’ambiance en faisant remarquer quoi que ce soit. Vous n’êtes pas l’inspecteur sanitaire du jeu de rôle ! Quand le MJ doute et reconnaît votre expertise en vous demandant votre avis, donnez-le, sinon abstenez-vous gentiment ; ne videz pas le jeu de sa substance : expliquer une blague ne fait que la gâcher, et parler chiffres au milieu d’une séance de roleplay fait retomber le soufflé.Parfois la règle a raison, parfois elle a tort. Cependant, je ne me souviens pas avoir jamais vécu la situation suivante :« … et alors le type s’est souvenu de la règle correcte, et on s’est tous marrés quand il a forcé le MJ et l’autre gars à changer ce qui se passait! »

Accordez au jeu toute votre attention.

Soyez à ce que vous faites. C’est la moindre des choses, vraiment !

Tiens, c’est quoi, ça, sur votre smartphone ? Candy Crush ? C’est quoi, ça, des cartes Magic ? C’est quoi, ça, un SMS d’un collègue ? Votre ex ? Réseaux sociaux ? Un livre ? De quoi vous parlez, du match d’hier ou de la télé-réalité ? Ah, excusez-moi, vraiment. Je croyais que la feuille de perso et les dés sur la table devant vous, c’était parce qu’on était tous d’accord pour jouer ensemble à un putain de jeu de rôle ! Si je fais erreur, tant pis, hein, mais sinon, la porte est là. CASSEZ-VOUS !

Il m’est difficile d’imaginer plus grossier, plus méprisant pour le travail du MJ, pour l’effort des autres joueurs, pour le fait que tout le monde a cherché à concilier son emploi du temps, et surtout vis-à-vis de ses amis, que d’ignorer tout cela pour faire des trucs tout seul ou jouer à autre chose. La seule raison pour un tel comportement, c’est que ce qui se passe à la table (et les personnes présentes) vous emmerde au plus haut point… Et si c’est le cas, dites-le, partez, et n’espérez pas revoir vos amis.

Cassez-vous. Vraiment. Une partie n’est pas obligatoire. Vous empêchez les autres de suivre et vous drainez l’énergie du groupe par votre simple présence. Mieux vaut une chaise vide qu’un connard : au moins, on n’a pas besoin d’amuser la chaise vide.

J’ai récemment vécu cela : toute la table était dissipée par un seul joueur qui, loin de jouer son personnage, parlait de tout et de rien, faisait des blagues, et ne faisait pas attention à ce que les personnages des autres faisaient… Sans surprise, il s’est plaint à la fin qu’il « ne voyait pas pourquoi les PJ étaient impliqués dans l’aventure ». S’il avait écouté les autres (et le MJ) pendant la session de jeu, il l’aurait su. Et on n’aurait pas eu à lui intimer le silence pour permettre aux autres de jouer, comme si nous étions en classe !

Acceptez l’échec.

Sauf si vous ne réussissez jamais rien (problème de MJ ou de règles), ne boudez pas !

Un échec peut être humiliant. Il y a des jours où c’est vraiment agaçant quand les dés s’acharnent contre vous, surtout quand vous avez attendu votre tour longtemps et que votre action rate. Nous l’avons tous vécu… Personnellement, je suis d’avis que si le joueur s’est acharné à décrire ledit pouvoir et son action en détail, le MJ doit choisir la conclusion qui est narrativement la plus « puissante », interprétant les dés ou changeant l’action. Mais même en cas d’échec… le perso, ce n’est pas vous ! Souvenez-vous de Brecht et de la distanciation.

Ne le prenez pas « trop » mal. Sans risque d’échec, plus de jeu. « À vaincre sans péril… », tout ça. Il faut assimiler ceci : on ne gagne pas à tous les coups. L’échec, dans le scénario, est un nœud qui donne de nouvelles branches à l’histoire, pas une barrière. Cela permet de raconter les raisons de l’échec, pas que « rien ne se passe ». Un bon MJ sait d’ailleurs qu’il ne faut JAMAIS faire dépendre l’avancée de l’histoire (obtention d’un indice crucial, etc.) d’un jet de dé.

J’en profite pour dire que ce conseil ne vaut QUE si votre MJ est suffisamment bon pour ne pas faire de l’échec une telle barrière impossible. Il faut que l’astuce des joueurs et leurs actions résolvent la situation, avec une dimension imprévisible symbolisée par les dés (ou autre mécanisme) ; voire pas du tout de dés, pour les adeptes des jeux non aléatoires. Mais s’en remettre totalement à la chance, c’est nier l’influence des PJ. Alors, autant jouer au jeu de l’oie ou aller voir un film !

Certains jeux au système un peu original ou novateur, comme FATE, donnent d’ailleurs le pouvoir au joueur de dire qu’il réussit quand même lorsque son jet de dé est raté, mais que cette réussite a un prix : « Je réussis à parer le coup d’épée de l’orque, mais en reculant vers la falaise… »

JOUEZ !

Dans « jeu de rôle », il y a « jeu ». Ce n’est pas un défi qui n’existe que dans la tête de votre MJ. Ce n’est pas non plus « l’histoire de (votre personnage), avec aussi ses amis dans le rôle des faire-valoir ». Ce n’est pas « moi contre le MJ ». Ce n’est pas « moi contre tel joueur ». Ce n’est pas votre blog. Ce n’est pas une soirée au resto. Ce n’est pas un repas qu’on mange en silence. Ce n’est pas l’occasion de draguer l’un(e) des autres joueurs/ses. Ce n’est pas autre chose que ce que c’est… C’est un JEU.

On a tous « signé » un contrat tacite pour jouer ensemble à raconter cette histoire et s’amuser, c’est donc l’histoire et le fait de s’amuser qui passent en premier. Investissez-vous, ET gardez une certaine distance. Ce n’est pas grave si Machin utilise vos dés. Cela ne va pas gâcher votre amitié avec Truc si votre perso a une relation bizarre avec la mère du sien. Faites ce qu’il faut pour que tout le monde s’amuse, faites ce qu’il faut pour l’histoire. Faites ce qu’il faut pour que chacun en garde de bons souvenirs, et dites-le quand quelque chose vous gêne, en toute simplicité !C’est un jeu. Respectez les autres joueurs. Respectez l’histoire. Agissez toujours AU SERVICE de l’histoire. Soyez actif, constructif, positif, si possible intéressant. Changez les choses, soyez créatif, original… C’est le but du jeu !

Normalement, vous devriez quitter la session de jeu avec de bons souvenirs, et même les éléments d’une bonne anecdote, après avoir vécu des aventures fantastiques, à tous les sens du terme… Si ce passe-temps est oubliable, tristounet, ou problématique pour certains, c’est que toute la tablée a échoué. Et ça, c’est parce qu’il s’est passé quelque chose pendant le jeu dont on aurait probablement dû parler immédiatement avant que cela ne s’envenime, en aparté ou non…Le seul moyen de résoudre un problème, c’est d’en parler, avec le MJ et avec les personnes concernées ! Garder cela pour soi, ou pire, parler dans le dos des gens (et je l’ai vécu), c’est la pire chose à faire.Mais si chacun suit tous ces conseils et travaille à aider l’histoire, il ne devrait pas y avoir de problème !

Entre gens intelligents, tout s’arrange.

Quand on tue un Roi, on le poignarde pas dans le noir. On le tue là où toute la cour peut le voir mourir.

Amsterdam Vallon