Le storytelling

Depuis la nuit des temps, les hommes aiment se raconter des histoires. Quel meilleur moyen de voyager sans bouger, de frémir sans prendre de risques ? L’imaginaire est un outil formidable pour qui sait le stimuler. Mais comme tout art, la narration s’apprend, de façon autodidacte ou sous la tutelle d’un mentor.


Il était une fois

Grâce aux progrès de la technologie, les contes jadis narrés à la tribu autour d’un feu, ou par les grands-mères à leurs petits enfants, ont laissé place à des mondes toujours plus riches et sophistiqués. Néanmoins, le principe reste le même, et l’enjeu identique : comment capter l’attention de son auditoire ? L’art de la narration impose une méthodologie. L’improvisation a ses limites, et il ne viendrait à l’esprit de personne d’entamer la construction d’une maison sans établir un plan, poser des fondations stables, et connaître les techniques de construction les plus fiables. Dans cette optique, la première phase préparatoire consiste à distinguer le FOND et la FORME.

  • Le FOND : qu’est-ce que je vais raconter ?
  • La FORME : comment vais-je le raconter ?

Le fond

Il s’agit de la partie immergée de l’iceberg. L’histoire que vous souhaitez raconter, les thèmes que vous allez aborder, le message à transmettre… Le fond ne doit pas être trop évident, et se dévoiler avec la progression de votre intrigue. Souvent très personnel, notamment dans les premières œuvres, il fait appel aux plus intimes motivations de l’auteur. Mais par où commencer ? Il n’existe pas vraiment de règle. Considérons qu’un bouillonnement d’idées vous permettra de discerner un thème, un personnage principal, puis un cadre où le faire évoluer.

Où trouver l’inspiration ?
La construction de l’histoire peut naître d’une image, d’un décor, d’une situation vécue, ou bien être issue d’une œuvre ayant marqué l’auteur. Cette pierre angulaire sert de point de départ à une association d’idées qui, « brique par brique », va permettre de construire l’architecture du récit. Pour prendre une autre image, imaginez un squelette sur lequel on va greffer des organes, des muscles, la peau… Ou bien encore une pelote de laine d’où l’on tire un fil qui dépasse.

Puiser dans son vécu
Alimenter le « terreau du fond » implique un certain vécu, une expérience de vie aussi bien positive que négative. Notons qu’il n’est pas forcément lié à l’âge. Une personne de vingt ans peut avoir connu plus de choses intenses qu’une personne de soixante-dix.
L’idée consiste à exploiter une gamme de bons ou mauvais souvenirs, d’émotions, de « fragments de vie », et de répondre du même coup au besoin que l’on ressent parfois de les exprimer. Utiliser l’écriture comme un exutoire. Creuser dans un territoire familier mais parfois refoulé, cette zone sombre que Freud qualifiait d’heimlich et d’unheimlich (cf. L’Inquiétante Étrangeté).
Cette démarche présente deux avantages.

  • Les idées viennent spontanément, « en cascade », sans avoir à forcer l’inspiration.
  • Elle permet de raconter une histoire personnelle, et de se démarquer ainsi d’une énième redite du Seigneur des Anneaux, d’Harry Potter ou de Cinquante Nuances de Grey. Comme nous le verrons, l’inspiration n’est pas interdite, elle est même nécessaire, mais elle ne doit pas « vampiriser » l’œuvre créée.

Se nourrir de sa culture
L’inspiration ne provient pas unique- ment du vécu. Une vie casanière peut-être compensée par un vaste imaginaire, enrichi par une culture large entretenue par une grande mémoire. Autrement dit : « travelling without moving », pour citer Jamiroquai. Les idées ne viennent pas de nulle part, et il n’y a aucune honte à s’inspirer d’œuvres qui nous ont marqués. Les plus grands auteurs se sont basés sur des productions préexistantes pour bâtir leur carrière (cf. Anatomie de l’Horreur de Stephen King).
L’auteur doit donc disposer d’une solide culture, dans tous les domaines. Il doit toutefois la « digérer », en quelque sorte l’oublier, afin de la laisser ressurgir spontanément au moment de l’écriture.

Laisser flâner son esprit
Chaque auteur possède ses petits « trucs » pour laisser venir l’inspiration. Marcher dans la nature, faire du vélo, ne penser à rien de particulier… Notons que les idées viennent plus facilement lorsque l’esprit est détendu, et que le meilleur moyen d’obtenir une page blanche consiste à « forcer » l’inspiration.

Développez un thème
Votre bloc-notes est maintenant rempli d’idées pêle-mêle ? Et pourtant, vous ne savez toujours pas quoi raconter… Un thème doit pourtant émerger de ce maelström, un concept qui vous tient à cœur et que votre inconscient vous incite à développer. Ce fil rouge vous sera utile au moment de mettre en forme votre histoire, afin de ne pas vous perdre en route. Nous en revenons à la question-clé : « Qu’est-ce que je veux raconter ? » Le but du jeu consiste à cerner ce thème, à le tourner et le retourner pour explorer ses moindres recoins. Prenons pour exemple Carbone Modifié, de Richard Morgan. Dans un futur lointain, les hommes sont en mesure de sauvegarder leur esprit pour changer de corps. Plutôt que de jouer la facilité en survolant ce concept génial, l’auteur l’exploite dans toutes ses possibilités dramatiques, humoristiques, et même érotiques : enfant réincarné dans un corps de vieillard car dépourvu de mutuelle, femme plusieurs fois centenaire hébergée dans un corps d’adolescente… Une méthode exigeante en discipline, mais qui permet de ne pas frustrer votre public et d’éviter les réflexions du type « dommage qu’il n’ait pas pensé à cette piste… ».

Trouvez votre champion
Et soignez sa personnalité. L’identification au héros permet de s’immerger dans l’aventure. Elle doit s’effectuer rapidement, dès l’apparition du héros. Exposer un personnage exécrable pour ensuite le rendre attachant est un pari risqué, réservé aux vieux briscards de l’écriture. Toutefois, le public aime se projeter dans les antihéros, les « outlaws » à la Snake Plissken, capables d’accomplir ce que l’on n’oserait pas dans la vie réelle. La frontière est ténue car personne ne veut s’identifier à un personnage moralement répréhensible, à moins d’avoir un sérieux problème (cf. Orange Mécanique).
À l’opposé, le public apprécie les personnages maladroits, gaffeurs, un peu gauches, proches de leur quotidien. Autrement dit : imparfaits. Pensez à Gaston Lagaffe, ou à Ugly Betty… Là encore, le traitement doit être subtil, car le personnage peut facilement passer pour idiot. Ne « chargez » pas sa personnalité de tares au point de le rendre agaçant, ne créez pas un Ja-Jar Binks !
Vous pouvez aussi travailler la perception initiale de votre personnage, jouer sur l’ambiguïté. Le meilleur exemple du procédé reste Terminator où Kyle Reese, futur sauveur de l’humanité, ne peut à première vue qu’évoquer un psychopathe errant dans les rues de Los Angeles.

Faites vivre un monde
Une fois lancée la « machine à inspiration », il ne suffit pas d’aligner les scènes sans réfléchir au cadre, à l’environnement et aux protagonistes actifs ou passifs de l’aventure. Ceux-ci doivent s’inscrire dans un univers global cohérent, crédible, vivant. S’agit-il d’une ville ? d’une jungle ? Quelle est la météo ? Quelles sont les teintes dominantes ? « Peignez » le tableau de votre monde en présentant son atmosphère, sans tomber dans la description académique (un défaut assez courant de l’héroic fantasy). Lisez ou relisez Dracula, où Bram Stoker prend le temps de décrire le voyage de Jonathan Harker s’engouffrant dans des Carpates inquiétantes, tout en détaillant leur culture, leur mœurs… Pensez au film Se7en, situé dans une ville où la nuit et la pluie sont omniprésentes, avant de s’achever en un parfait contraste dans un désert en pleine lumière.
L’exercice est aisé dans une histoire contemporaine ancrée dans un milieu familier, mais si elle se déroule en Amazonie ? Cela implique un travail de documentation ou bien, dans les genres relevant de la science-fiction, du fantastique et de la fantasy – longtemps traités avec condescendance et pourtant les plus difficiles à maîtriser – une énorme imagination. Dans ce monde fantasmé, comment s’ouvrent les portes ? Comment fonctionnent les voitures ? Il vous faut penser à chaque détail du quotidien pour vous assurer d’embarquer le public dans votre univers, sans possibilité de remise en question.

Sachez vous adapter
Le scénariste est un mercenaire. Il doit s’adapter au cahier des charges souhaité par son client. À moins de faire « cavalier seul » et d’autoéditer ses œuvres, un exercice relevant du parcours du combattant. C’est particulièrement vrai dans les jeux de rôle, où chaque jeu possède son « background » et ses règles, et où les scénaristes doivent être en mesure d’écrire pour plusieurs jeux. Ne restez pas figé sur votre façon de voir les choses et gardez en tête qu’une histoire est organique, vivante, et non figée dans le marbre.


La Forme
Structurez vos idées
Établir un plan

Les méthodes diffèrent selon les auteurs. Certains établissent un plan précis avant d’écrire le moindre mot, d’autres le composent ensuite, ou rédigent leur script à la manière d’un journal. J’ai moi-même tendance à écrire suivant l’inspiration, pour ensuite déplacer des morceaux de texte et former une histoire cohérente. L’usage consiste à découper son récit en trois actes. Une phase d’exposition, du décor, des personnages, des enjeux. Une phase consacrée à l’action, ou à un voyage, et enfin une dernière phrase spectaculaire (ou intimiste). Les trois parties doivent être équilibrées, car inconsciemment le public ressentira le déséquilibre d’une exposition trop longue, ou d’un final rapidement expédié.

Placer ses pions
Il va maintenant s’agir de « classer » toutes vos idées, qui n’ont pas toujours de rapport évident entre elles, et qui ne sont pas forcément apparues dans un ordre chronologique. Autrement dit « reconstituer le puzzle », « caser » chaque élément dans votre plan afin d’obtenir un début, un milieu et une fin aboutissant à un ensemble homogène. Ce travail de forme va contribuer à alimenter la cohérence de fond de votre histoire. L’image globale doit être claire, et ne pas ressembler au jeu des sept erreurs où un objet qui n’est pas à sa place paraît incongru. La moindre inadvertance ne pardonne pas dans le genre des thrillers et des polars, généralement basés sur des enquêtes. Selon la sacro-sainte « règle Agatha Christie », chaque indice doit en entraîner un autre, et le public n’est pas censé avoir une longueur d’avance sur les investigateurs. Ce décalage peut sérieusement nuire à une bonne histoire, comme dans The Batman. Excellent film au demeurant, mais où le meilleur détective du monde peine à comprendre ce que le spectateur a déjà assimilé.
Dans cette logique, placez en début d’intrigue des éléments discrets qui trouveront un écho à la fin de votre histoire. Pensez à Retour vers le Futur, parangon du genre, où chaque détail posé est ensuite utilisé par la suite.

Poser un cadre
Une fois le plan établi, les grandes lignes tracées et les idées organisées, entamez la rédaction en plantant le décor. Présentez les lieux, vos personnages, et exposez les enjeux prédéfinis lors du travail de fond. Où et quand se déroule la scène ? Quels acteurs sont impliqués ? Quelle est leur personnalité ? Quel but doivent-ils atteindre ? D’où partent-ils et où vont-ils ? Le public doit instantanément comprendre ce dont il est question, exception faite d’une volonté du scénariste de « brouiller les repères », courante dans les films d’horreur où les unités de temps et de lieu sont souvent bousculées, et où tout doit rester flou (cf. les films de Roman Polanski ou le jeu vidéo Silent Hill). Autre cas particulier : les auteurs comme Robert E. Howard, qui n’aimait rien tant que de projeter le lecteur dans une scène d’action dès la première page, pour ensuite dérouler son exposition au cours du récit.
Dans tous les cas, le scénariste doit rester conscient que son public reçoit les informations via la narration, et qu’il n’a pas besoin d’explication lourde. Au cinéma, un plan large sur Jérusalem et un autre sur un chevalier suffit à faire assimiler le contexte.

Faire vivre les dialogues
Au risque d’enfoncer une porte ouverte, le langage parlé diffère du langage écrit. N’hésitez pas à prononcer les dialogues à haute voix. Ils doivent « sonner juste », sembler avoir été pris sur le vif, et ne pas être trop « travaillés », au sens littéraire. L’une des références en la matière reste Neuromancien (critique dans le N°55), avec son langage à base d’un argot typique des années quatre- vingt, censé être futuriste. Les répliques y claquent et s’enchaînent comme dans une partie de ping-pong, en donnant l’impression au lecteur de capter une conversation réelle tenue dans la rue.

« Huiler » les articulations
Ordonner ses idées au sein d’un plan peut parfois conférer à l’ensemble un aspect artificiel, un côté « créature de Frankenstein ». Tout comme un corps possède des coudes et des genoux, une histoire doit posséder des articulations entre ses différentes parties, pour éviter un effet « bancal », « saccadé ».
Autrement dit, pour la rendre dynamique et vivante. Il nous est tous arrivé d’être choqués par une ellipse brutale, qui nous fait « décrocher » d’une histoire. Comment les personnages sont-ils arrivés là ? Pour- quoi passe-t-on subitement du jour à la nuit ? Apprenez à manier l’art de la transition. Une bonne histoire doit être aussi fluide qu’un cours d’eau ou une symphonie.

Apporter les dernières touches
Une histoire n’est jamais terminée. Il vous arrivera forcément, assis dans un bus, de vous dire « J’aurais pu ajouter ça ! ». Souvenez- vous de Pierre Bonnard, ce peintre qui entrait discrètement dans le Palais du Luxembourg pour retoucher ses propres œuvres. Ces petits détails ajoutant à la crédibilité d’une histoire font partie du travail de finition. Néanmoins, à un moment ou à un autre, un texte doit être considéré comme fini, et donc livré, parfois dans un déchirement. D’où l’importance de connaître une « deadline », et de savoir gérer son temps pour ne pas être pris au dépourvu.

Sachez vous adapter (again)
Eh oui, il ne faut pas seulement s’adapter au niveau du fond, mais aussi de la forme ! Dans les scripts cinématographiques, l’usage exige certaines conventions en début de scène (INTÉRIEUR NUIT, LIEU, etc). Une page équivaut à une minute de film. En matière de jeu de rôle, un scénario tient sur 40-50 000 signes. En outre, si vous souhaitez être publié, mieux vaut choisir un jeu récent pratiqué, plutôt qu’un obscur JdR vieux de vingt ans. Chaque media, chaque support possède ses codes, qu’il vous faudra connaître.

Écrire une série
Les séries connaissent actuellement un « boom » grâce aux chaînes de streaming. Leur regain de popularité a connu plusieurs vagues, de Star Trek à Squid Games en passant par X-Files. Elles offrent, avec les jeux vidéo, le débouché le plus intéressant pour un scénariste. Les séries offrent le luxe de développer les personnages, et de se faire plaisir en terminant chaque épisode par un cliffhanger (une scène inachevée au suspense insoutenable). Notez que la forme feuilletonesque est une grande tradition française, bien avant les séries TV, utilisée par de grands auteurs comme Alexandre Dumas et Victor Hugo.

Les scénarios non-linéraires
L’aboutissement ultime de l’art du conteur est incarné par les histoires où le public n’est plus passif mais actif, dans le sens où il construit lui-même son histoire. Du moins, lui laisse- t-on croire… Cette approche fut initiée par les jeux de rôle, puis par les « livres dont vous êtes le héros », et trouva son apogée avec les jeux vidéo, plus précisément avec les mondes ouverts (« open worlds ») où le joueur, via son avatar, est libre d’évoluer où et comme il le souhaite. Cette approche, plus difficile à maîtriser, mais plus intéressante en termes de débouchés professionnels (les narrative designers sont très recherchés sur le marché du travail ludique), implique d’imaginer tout ce que va faire le joueur. Cela nécessite une capacité à « penser à sa place », autrement dit de l’empathie, et une pensée en arborescence. L’intrigue ressemble ainsi à un arbre muni de nombreuses branches, où il est possible de « sauter d’une branche à une autre » comme un petit singe (cf. chapitre sur la pensée en arborescence du livre Trop Intelligent pour être Heureux de Jeanne Siaud-Facchin).


Comment progresser ?
Effacez votre ego

Facile à dire ! Il est toujours vexant de voir décortiquée une œuvre dans laquelle on a mis toute son âme. Le jugement devient personnel. Or il ne l’est pas. Le critique ne vous attaque pas, il soulève des points qui posent problème. Et il bénéficie d’un avantage que vous n’avez pas : le recul. Écoutez-le ! L’exercice est désagréable, et les commentateurs manquent souvent de tact, mais tous les auteurs sont passés par là.
Ne demandez pas conseil à des proches qui ne partagent pas forcément vos goûts et préférences culturels, ou qui ne voudront pas vous vexer. Le premier et meilleur critique est souvent éditeur, rédacteur en chef, relecteur… Autant dire qu’il connaît son métier, et il est dans son intérêt de vous voir progresser.
Sachez toutefois faire preuve de discerne- ment, et ignorer les attaques faciles sans autre but que de vous vexer, le fameux « trollage ». Internet n’est pas forcément le meilleur endroit où chercher des avis pertinents.

Sachez varier les genres
L’auteur ne doit pas se limiter au genre qu’il affectionne. Il se fermerait ainsi des portes, à une époque où la polyvalence permet de (sur)vivre. Toutefois, le novice sera naturellement tenté, surtout pour une première œuvre, d’évoluer dans sa zone de confort, l’univers qu’il maîtrise le mieux. Il s’agit d’un réflexe naturel, conseillé pour se « faire la main » avant d’expérimenter d’autres terrains de jeu. Considérez votre premier travail comme un tremplin vers d’autres horizons.


Lancez-vous sur le marché
Vous avez « testé » vos histoires, et elles rencontrent un certain succès ? Jetez-vous à l’eau et proposez-les à des magazines, qui vous livreront leurs règles respectives de mise en forme. Vos scénarios ont trouvé preneur ? Vous commencez à vous faire un nom ? Soyez ambitieux ! Faites-vous un CV, n’hésitez pas à demander à vos contacts si telle ou telle gamme de JdR éditée par leurs soins ne nécessiterait pas une nouvelle plume, en renfort. Vous n’avez rien à perdre, et c’est souvent ainsi que les auteurs parviennent à percer. Vous êtes maintenant une star dans votre milieu ? Ne vous arrêtez pas là ! Apprenez l’anglais, ou perfectionnez-le via des séries en VO, et proposez vos services outre-Atlantique. Culturellement, les Anglo-Saxons sont plus ouverts aux jeunes talents, et moins adeptes de l’« esprit de clan ». Le réseau LinkedIn peut être utile pour se faire connaître, mais il ne suffit pas. Prospectez les éditeurs directement sur leur site, sans vous laisser décourager par les absences de réponse ou les « je garde ton CV sous le coude » qui resteront sans suite. Et pour finir, les deux conseils les plus importants, une fois que vous aurez atteint le statut de dieu du storytelling. Veillez, à votre tour, à tendre la main aux padawans, et ne prenez pas la grosse tête !


Faites-vous plaisir !
Pour conclure de façon ludique : amusez- vous ! Le besoin de créer, d’imaginer d’autres mondes, des histoires… correspond souvent à une insatisfaction, une frustration ressentie dans une vie n’atteignant jamais le niveau espéré. N’hésitez pas à raconter ce que vous auriez aimé vivre, ou bien lire. Injectez un grain de folie dans votre création, pour vous démarquer d’un climat général bien trop sage !


QUELQUES CONSEILS PRATIQUES

  • Un scénario n’est pas un roman. Si vous optez pour ce format, allez à l’essentiel, droit au but.
  • Ne sous-estimez pas l’intelligence du public. Il est inutile de lui répéter plusieurs fois la même chose, au risque de lui donner l’impression d’être pris pour un idiot. Vous-même avez sûrement ressenti ce sentiment désagréable, devant un récit trop « scolaire ».
  • N’essayez pas de réinventer la roue. N’ambitionnez pas de faire votre Citizen Kane, ne perdez pas en route votre public avec un fil inutilement complexe à base de narration éclatée et de flash-back. Cela peut paraître contradictoire avec le conseil précédent, mais les intrigues linéaires se déroulant sur une unité de temps sont souvent les plus efficaces (cf. films New York 1997, Se7en ou The Warriors).
  • Une fiction n’est pas une tribune ! Une histoire peut, bien sûr, véhiculer une réflexion politique, sociale, un message, être engagée etc.
    Mais il ne s’agit pas d’un outil de propagande pour véhiculer vos convictions. Cette démarche risque de vous aliéner une partie du public. Autrement dit, inviter à la réflexion diffère d’imposer un point de vue péremptoire et militant sans nuances.
  • Sexe & violence. Ai-je le droit de pimenter mes histoires avec du sexe et de la violence ? Tout dépend de votre client. A priori, il vous a engagé parce qu’il connaît votre univers. Certains éditeurs de jeux vidéo et de jeux de rôle apprécient les univers « dark », extrêmes. D’autres ciblent un public jeune. Tout est affaire de bon sens. Si vous n’êtes pas à l’aise avec ces thèmes, spécialisez-vous dans les médias grand public. Si vous appréciez les univers plus matures, sachez doser les éléments perturbants. Les scènes-choc doivent être amenées, et ne pas être gratuites. Voyez-les comme le sel et le poivre en cuisine : ils relèvent le goût, mais un mauvais dosage entraîne l’écœurement.
  • L’humour. Un terrain risqué, surtout en matière d’écriture. Hors de propos, il fera sortir de l’histoire votre lecteur. L’humour est subjectif, et susceptible de provoquer un malaise quand il est inapproprié. Tout le monde n’est pas Terry Pratchett, et il est extrêmement difficile de conter un récit cohérent sur fond humoristique. Comme le sexe et la violence, l’humour est donc à utiliser avec parcimonie, excepté dans le genre très spécifique du pastiche. Même satyrique, et ironique, il doit conserver un ton bienveillant et ne pas ressembler à un règlement de compte envers telle ou telle institution (par exemple religieuse), ou groupe d’individus. La provocation peut être perçue comme puérile, quand elle s’attaque à des cibles faciles et où la « prise de risque » est minime.
  • L’art du twist. C’est un peu devenu une mode, depuis le film Sixième Sens. Le procédé est connu dans les nouvelles de SF, dont la série Twilight Zone fut la prolongation télévisuelle.
    Certains auteurs aiment ainsi remettre en question toute leur intrigue à l’aide d’une révélation finale. Pourquoi pas ? Mais évitez l’exercice de style, ne bâclez pas votre histoire en vous focalisant sur ce retournement de situation. Cette technique ne souffre pas la moindre erreur au niveau de la cohérence, et demande une grande rigueur. Rien, dans votre narration, ne doit laisser soupçonner votre twist.

Article de JDR Magazine / Florent Martin

Que ce jour reste à jamais gravé dans vos mémoires comme celui où vous avez failli capturer le capitaine Jack Sparrow.

Le capitaine Jack Sparrow