Cthulhu – Les mystères d’Eleusis

Une aventure exotique pour 4 ou 5 Investigateurs assez expérimentés et qui sont prêts à faire d’importantes concessions.


Un voyage divin

Eté 1924. Vacances, colloque scientifique, voyage d’études pour un peintre, envie d’exotisme pour un rentier en mal de nouveautés, besoin de repos après une expérience éprouvante, parasitisme sans vergogne de la fortune d’un ami; toutes les raisons sont bonnes pour que notre petit groupe d’Investigateurs se retrouve dans ce pays plein de promesses qu’est la Grèce.

Si vous voulez en profiter pour leur faire faire un peu de tourisme, ne vous en privez pas. Le premier guide touristique venu fera avantageusement l’affaire. Mais sachez qu’à cette époque les moyens de transport sont limités ainsi que l’hébergement. Pour ce qui est de la langue, l’anglais et le français permettent partout de communiquer de façon élémentaire mais suffisante. Faites en sorte qu’au milieu de leur séjour ils se retrouvent à Athènes. Grande ville peuplée, joyau culturel caractérisé autant par son Parthénon que par sa Plaka, vaste marché encombré

d’échoppes bigarrées où le sens des affaires est une forme évoluée de survie.

L’un des Investigateurs pourra être historien avec des correspondants dans les pays étrangers, ou un aventurier qui sait s’assurer des soutiens internationaux. Toujours est-il qu’il rencontrera un ami (ce cher Papoulos) qui l’invitera, ainsi que ses compagnons, à passer la soirée chez lui en compagnie d’une dizaine d’autres convives. Loggia donnant sur un jardin qui en cette fin de journée torride dégage mille senteurs enivrantes, grillades savoureuses, petit vin résinet au goût subtil ; les vacances sont vraiment dignes des plaisirs olympiens. La conversation va bon train. Papoulos présentera son ami Investigateur comme étant féru de phénomènes occultes. Quelques réactions « polies » accueilleront cette présentation. Seul un petit bonhomme d’une cinquantaine d’années viendra le voir avec un air de conspirateur. « Je suis bien content de vous rencontrer », lui dira-t-il. «Cela fait quelques temps que je cherche une oreille com-

plaisante à une histoire qui en a fait sourire plus d’un…»


Une page d’histoire ancienne

«… Alors que je me rendais dans la région d’Eleusis pour effectuer quelques fouilles (je suis archéologue), je me suis arrêté dans le village du même nom suite à un incident technique survenu à mon automobile. Incident qui me força à rester trois jours sur place. Là, je retrouvai une vieille connaissance : le professeur Andros Milakopoulos, mon ancien maître en mythologie grecque. Il avait disparu alors que j’étais jeune homme et je le retrouvais dans ce petit village, alerte et en pleine forme. Il m’apprit, avec une décontraction désarmante, que dans ce village, le culte de Déméter avait été remis au goût du jour et plus particulièrement les mystères dédiés à la déesse. »

Comme ça, à brûle-pourpoint, cela peut évoquer quelque chose à ceux qui ont étudier l’Histoire. Dans le panthéon grec Déméter était la déesse de l’agriculture, du grain, symbole par excellence de la vie. Elle présidait également au cycle des saisons. Quant aux mystères d’Eleusis, on en sait peu de chose. Toujours est-il qu’ils étaient liés à Déméter et qu’ils se pratiquaient une fois l’an. C’était la rencontre de l’ancienne génération et de la nouvelle. IIS sont demeurés secrets jusqu’à nos jours car ceux qui y participaient devaient garder le silence sur leur déroulement.


Pour votre information

L’Investigateur le plus calé en Histoire, où un passage dans une bibliothèque, permettra d’ajouter les informations suivantes : tout le monde pouvait participer au rite ; pendant la cérémonie, les participants entraient dans une sorte d’extase ou époptheia qui leur permettait d’être en contact direct avec la divinité qui leur montrait alors le cycle de la vie et de la mort et le rôle indispensable qu’ils y tenaient.

De plus, au cours de leurs séjours en bibliothèque, ils seront frappés par quantité de statuaires antiques représentant des hommes et des femmes à genoux devant de féroces guerriers qui semblent pourtant ne leur faire aucun mal. Ils découvriront ainsi la tradition du suppliant qui veut que ce dernier, dans l’humilité qui caractérise sa démarche, devienne intouchable. Celui qui levait la main sur un suppliant risquait la colère divine. Il serait bon que les Investigateurs s’en souviennent plus tard, lors de la rencontre avec les Grands Maîtres.

L’archéologue dira également avoir aperçu dans la cour d’une maison à Eleusis un jeune homme aux cheveux blancs et à la peau étrangement argentée. Les villageois seraient restés évasifs quant à tous ces faits étranges mais il aurait cependant réussi à soutirer des bribes d’informations : morts inexpliquées, bruits étranges, don des dieux. Puis, leur avouera t-il, étouffé par un sentiment d’insécurité, il serait parti rapidement. Les Investigateurs peuvent se renseigner sur Andros. Ils découvriront (à l’université, auprès de ses voisins, d’anciens amis) que c’était un brillant professeur de mythologie grecque avant qu’il ne s’adonne à l’hypnose. Cela a semblé lui gâter le caractère et les facultés mentales. Il est parti d’Athènes depuis maintenant quarante ans, après avoir liquidé toutes ses affaires. Depuis, personne n’a eu de ses nouvelles.


Toi seul, Gardien, peux savoir

Effectivement, le professeur Andros Milakopoulos, féru d’Histoire ancienne, de mythologie grecque mais aussi d’hypnose et d’autohypnose (personne n’est parfait) a remis au goût du jour le culte de Déméter. Une nuit où il se sentait en forme, cet érudit passionné s’est plongé dans un sommeil hypnotique profond. Il se retrouva alors transporté dans les Contrées du Rêve, plus précisément à Kadath, lieu associé au Plateau de Leng. Là, il rencontra, dans un palais de marbre qui ressemblait de façon troublante aux représentations de l’Olympe que s’étaient faites les Grecs, Zo-Kalar et Tamash, deux des cinq plus importants Grands Maîtres. Ces entités gouvernent les Contrées du Rêve terrestres, sous les auspices des Dieux extérieurs. Ils visitent souvent les régions peuplées d’humains mais restent en général peu préoccupés par le sort de ces derniers. Ils sont puissants, d’autant plus qu’ils sont mystérieusement les alliés des Dieux extérieurs. Pour plus de renseignements, n’hésitez pas à consulter le supplément Les créatures des Contrées du Rêve.

Le premier était un bel athlète aux cheveux blancs, à la peau légèrement argentée et aux yeux complètement noirs, en amande ; il était vêtu d’une toge violet sombre. Le second avait également les yeux en amande et la peau argentée, mais ses cheveux étaient noirs et il était drapé dans un habit d’or. Andros, sous le choc, fut persuadé de retrouver les dieux de l’Antiquité et c’est avec ferveur et humilité qu’il se prosterna. Les deux Maîtres, qui étaient à deux doigts de le détruire, écoutèrent cependant sa prière. Il leur proposa de faire revivre le culte des dieux olympiens sur Terre et de relancer les mystères d’Eleusis. Les Grands Maîtres acceptèrent ; le marché pouvait être intéressant. Avoir une telle assise sur la Terre pouvait s’avérer utile. Si un jour les Dieux extérieurs en avaient besoin, ils se feraient un plaisir de leur fournir cette base. De plus, cela allait permettre à ZoKalar de faire des expériences sur la vie et la mort des humains et à Tamash d’exercer pour son plaisir son art des illusions.

Le culte fut donc mis en place. Andros obtint de vivre beaucoup plus vieux (il peut encore vivre quelques centaines d’années). Quasiment tous les habitants d’Eleusis se mirent à vénérer les dieux olympiens, les mystères reprirent, les Grands Maîtres et surtout Tamash y faisant intervenir une magnifique illusion de Déméter, la déesse aux épis de blé. Ils eurent également quelques rejetons. Puis les Dieux extérieurs finirent par s’intéresser à l’affaire. Cette ferveur nouvelle représente en effet un potentiel fabuleux, cette porte, involontairement ouverte par Andros, pouvait être «rentabilisée » par d’autres qui n’attendaient que cela. Alors qu’auparavant la situation était stable (les Grands Maîtres sont en général d’une neutralité parfaite), les choses se dégradèrent avec l’entrée en jeu d’une secte menée par un sorcier dévoué à Yog-Sothoth, qui se fait passer auprès des villageois pour un second envoyé de Déméter. Mais il a commencé, il y a quelques mois, à faire faire n’importe quoi à ses premiers sectateurs.

Tant et si bien que trois jours après l’arrivée des Investigateurs devrait avoir lieu l’invocation de Yog-Sothoth.


Eleusis, nous voilà

Les Investigateurs ne trouveront rien d’autre à Athènes, ce qui les mènera sans doute à se rendre à Eleusis. Aucun train n’y va mais ils peuvent louer une voiture bancale, sans parler du bus qui passe tous les deux jours. Bruyant, rouillé, rempli dès les cent premiers mètres de poussière et chauffé à blanc, c’est un moyen de transport éprouvant. Mais cela ne dure qu’une petite heure (pour couvrir une vingtaine de kilomètres). Le seul problème, c’est qu’il s’arrête à trois kilomètres du village et qu’il s’avère impossible de faire faire un crochet au conducteur.

Les gens de la région font mine d’ignorer l’existence d’Eleusis (Alésia, connais pas !). A force de patience (beaucoup), les Investigateurs pourront découvrir que cela est le fruit d’une terrible divergence. religieuse. Ils n’en apprendront pas plus.

Quand les personnages arrivent enfin à Eleusis, ils découvrent un minuscule village niché dans une petite vallée verdoyante (oui !) et fertile (reoui !). Seule la route qui traverse « l’agglomération » est carrossable, partout ailleurs ce n’est que sentiers envahis de cailloux et chemins impraticables. C’est dire si la circulation est inexistante. Le silence est de plomb, tout comme le soleil. Seules quelques cigales parviennent à troubler cette chape de leur chant acidulé. Le vent, qui serait le seul à pouvoir apaiser la morsure de l’astre solaire, est chaud et étouffant. Pendant la journée les habitants restent à l’abri de leurs murs blancs mais l’arrivée d’étrangers saura faire s’ouvrir les volets.

Il y a dans le village un hôtel-bar-auberge qui pourra héberger les Investigateurs et les nourrir de délicieuses moussakas maison. Les Investigateurs seront rapidement frappés par la présence, entre les maisons en bon état, de bâtisses en ruine. Ce sont les habitations des villageois résolument orthodoxes qui ont préféré fuir.


Andros Milakopoulos

Selon les dires de certains il devrait avoir une bonne centaine d’années et pourtant il ne parait pas en avoir plus de cinquante. || occupe une grande maison blanche un peu à l’écart du village, à proximité du temple qu’il a fait construire dès son arrivée. C’est l’officiant de la Religion retrouvée et le grand initiateur. Il est prêt à défendre sa foi avec douceur, et toute attitude agressive ou ironique sera très mal perçue. Si, au contraire, les Investigateurs font preuve de tact et de souplesse, Andros ne manquera pas de leur faire part de sa méfiance vis-à-vis de Milos. À noter qu’il possède un étonnant don d’empathie qui lui permet d’aller très, très loin dans l’âme des gens…


Le sorcier Milos

Il habite également un peu en dehors du village. C’est un homme froid et observateur. Il fera passer Andros pour un pauvre fou qui ne comprend plus grand-chose à la Vraie Religion (mais il restera évasif. Il abondera toujours dans le sens des Investigateurs si cela peut lui permettre de s’en débarrasser. Si les étrangers deviennent un peu trop gênants il fera tout pour les éliminer par l’entremise « musclée » de ses sectateurs puis par les pouvoirs des trois «demi-dieux » (voir Odyseus, Antheus et Oniros) et enfin par ses

pouvoirs personnels.


Odyseus, Antheus et Oniros

Ces trois jeunes hommes qui semblent avoir une bonne vingtaine d’années sont les dignes rejetons, les deux premiers, de Zo-Kalar, et le troisième, de Tamash. Pour la population, ce sont des demi-dieux. Ils ont tous les trois la peau argentée et les yeux en amande. Ils sont grands et musclés, se déplacent avec grâce et parlent peu, ne délivrant que des sentences qui n’autorisent aucune objection. Sur la demande de leurs pères, ils se sont associés à Milos. Ils doivent le soutenir sans toutefois risquer la vie d’Andros et ils feront de leur possible. Ils n’ont que peu de libre arbitre, ce sont leurs pères qui décident pour eux. (Ce sont des demi-dieux. Ils ne savent pas faire grand grand-chose si ce n’est impressionner les gens. Ils ont chacun un pouvoir particulier. Le premier utilise la télépathie, le deuxième la télékinésie (sans limite de poid) et le troisième peut créer des éclairs d’énergie destructeurs à partir d’une pierre rosâtre qui pend à son cou).


Le maire-chef de police

« C’est un petit village calme ici. Pas d’ennui, pas d’ennui ; si vous avez compris cela vous serez les bienvenus, autrement vous pouvez repartir illico presto.» Voilà ce qu’il dira aux Investigateurs presque avant de leur dire bonjour. Il trouvera même moult occasions de le répéter, veillez y. C’est un trouillard invétéré, toujours en sueur. C’est aussi le roi de «je ne prends pas parti pourvu que le calme soit maintenu ». Il sait très bien fermer les yeux. La vague de crimes le met dans tous ses états. Il préférerait trouver un pauvre gars sans défense à qui faire porter le chapeau plutôt que d’avoir à embêter Milos ou Andros.


Mattew Stanley, le bagnard anglais

Cela va faire maintenant vingt ans qu’il est là. On raconte que c’est un ancien bagnard qui a choisi de s’exiler pour se faire oublier. Il est grognon et taciturne. Si il y a un ressortissant britannique parmi les Investigateurs, le contact va être difficile à établir. Autrement, les Investigateurs n’entendront que des imprécations contre ses hérétiques de Andros et Milos. S’ils ont des contacts avec les services policiers anglais ils apprendront que Mattew est un psychopathe qui a tué une dizaine de personnes dans la région de Bristol. Mais la chaleur a sur lui un effet calmant, et depuis qu’il est en Grèce, il n’a tué personne malgré la superbe collection de couteaux de boucher qui trône dans sa cabane. S’ils savent le prendre, Mattew pourra aider les Investigateurs pour d’éventuelles actions « musclées ».


Et puis, il y a les habitants

Le charisme naturel d’Andros, la rencontre avec Déméter, les bienfaits que les villageois ont pu tirer de ce nouveau culte (la fertilité de la vallée) les ont amenés à embrasser cette religion. Cependant quelques orthodoxes purs et / durs ne s’y sont pas résolus y et ont préféré quitter le village (les maisons en ruine). Les gens de la région sont également au courant et opposés, ce qui explique leur ignorance feinte d’Eleusis.

Les villageois sont maintenant divisés en deux camps : celui d’Andros et celui de Milos. On sent d’ailleurs à Eleusis une tension permanente, les massacres des derniers temps n’arrangeant pas la situation. Les sectateurs d’Andros accusent ouvertement ceux de Milos qui se contentent de hausser les épaules.


Les mystères sans boule de gomme

Les Investigateurs peuvent souhaiter participer à l’initiation et Andros en sera ravi. C’est la seule façon de rencontrer Déméter, et donc les deux Grands Maîtres. Il faut cependant savoir que si l’initiation se fait sans que les Investigateurs aient la volonté de rencontrer Zo-Kalar et Tamash, ils ne les rencontreront effectivement pas.

La cérémonie commencera par un bain dans un mélange subtil et très odorant d’eau chaude, d’huile d’olive et d’ambre. Puis les personnages revêtiront une toge blanche, et pieds nus, accompagnés d’’Andros et de quelques initiés, ils sortiront de la maison.

Ils entreront dans le temple au sol de marbre frais et seront installés dans une grande salle aux lumières tamisées. Au fond, un groupe de musiciens aux instruments aussi étranges que gracieux commenceront à jouer une mélodie aux accents émouvants comme un souvenir d’enfance qui crève subitement la surface de la mémoire. Une odeur d’encens un peu âcre montera alors qu’Andros leur parlera doucement dans la langue magique d’Homère. Les Investigateurs se sentiront partir sur la ouate rosée de leur esprit transporté.

Ils arriveront alors directement dans un autre temple de type grec, d’où seront absents Andros et les musiciens. Devant eux se tiendra une femme d’une beauté parfaite, drapée dans une toge blanche et portant entre ses bras une gerbe d’épis de blé. Aussi bien pour les spécialistes que pour ceux qui n’auront fait que l’apercevoir au hasard des recherches rapides effectuées à Athènes, il n’y a pas de doute, c’est Déméter. « Que la Grâce soit avec vous, initiés. Je vais vous montrer la vie, la mort et la place unique et fondamentale que vous y tenez.» Déferlement d’images, de sensations, agréables, difficiles, enthousiasmantes, le processus de vie se déroulera devant les initiés, ils se sentiront impliquer au plus profond d’eux-mêmes, c’est eux qui font naître l’enfant, éclore la fleur, lever le soleil tous les matins, ils sont le monde depuis des millénaires, la mort les emporte pour les faire renaître dans chaque être vivant. C’est une symphonie merveilleuse où chacun a la place fondamentale du soliste.

Puis retour à Eleusis. Au réveil, toujours dans le temple mais cette fois-ci en compagnie d’Andros, ils se sentiront merveilleusement bien, épanouis, réconfortés comme peut l’être un enfant aimé.


Beaucoup moins bucolique

Le lendemain matin de l’arrivée des personnages a lieu une découverte macabre.

Dans une caverne à un kilomètre du village, les villageois découvrent quatre enfants (de la région) égorgés et vidés de leur sang. Le lieu du sacrifice est recouvert d’étranges symboles suintant le mal, et le froid glacial qui y règne contraste violemment avec la chaleur extérieure. Le maire-policier va tout faire pour étouffer l’affaire mais il parvient à convaincre les villageois qu’il fera tout pour retrouver les coupables. Depuis quatre ou cinq mois, cela fait maintenant quinze personnes que l’on retrouve dans cet état.

Les réactions dans la population sont mitigées. Certains sont sincèrement horrifiés mais d’autres considèrent l’événement comme quelque chose d’anodin ou devrait-on dire de «normal ». Les Investigateurs remarquent même que l’un d’eux a un étrange sourire. S’ils ne l’ont pas encore rencontré, on le leur désigne comme étant Milos.

Si les «touristes» étaient de sortie cette nuit là, ils ont pu assister à la scène où effectivement Milos officiait, assisté d’une bonne vingtaine de villageois (sur la cinquantaine que compte le village). Il faut espérer que les Investigateurs aient été discrets, sinon il y a de fortes chances pour qu’ils soient conviés à «participer» au prochain sacrifice en tant que… victimes !


Bon, et maintenant…

Tuer Milos est loin d’être suffisant. Un autre viendra et reprendra le travail commencé. En effet, en fouillant chez lui, les Investigateurs ont également trouvé une correspondance touffue avec des homologues aux quatre coins du monde. Certains ont même exprimé leur projet de venir le rejoindre. Les vrais responsables sont ailleurs. En fait, Andros est le seul allié fiable des Investigateurs. À eux de le mettre de leur côté, de lui expliquer la situation. Il ne comprendra pas, surtout si on lui parle des Dieux extérieurs (il n’y connaît rien). Après quelques heures de discussion, il proposera d’aller rencontrer Déméter et peut-être les Maîtres pour leur parler. Mais il dit craindre le pire car ce ne sont pas des entités que l’on importune aisément.


Quand il faut y aller…

Que cela soit la première ou la deuxième séance, Andros est tendu, mais la musique porte les esprits et ils se retrouvent face à Déméter, toujours sans Andros. Si une majorité des visiteurs n’est jamais « venue », elle leur montre la vie (voir Les mystères sans boule de gomme). À la fin, comme ils restent, désireux qu’ils sont de rencontrer les Maîtres, elle leur demandera ce qui ne va pas. Si les Investigateurs commencent à aborder les problèmes qui les concernent (Milos donc), Zo-Kalar apparaît, furieux. Il hurle, ses yeux complètement noirs lancent des éclairs, c’est un véritable ouragan. Les Investigateurs doivent faire preuve d’une déférence totale, ne pas l’interrompre, mettre genoux à terre, en suppliant (c’est le bon moment pour penser aux statuaires de suppliants et à la tradition qui s’y réfère). Si les Investigateurs sont arrogants, les éclairs se regroupent en un seul qui va frapper le plus bruyant qui tombe, mort. Si cela ne les calme pas, Zo-Kalar continue; il est intouchable et surpuissant. Andros sentant un problème fait revenir les Investigateurs. Ceux qui ont été blessés sont plongés dans une catatonie qui durera bien deux ou trois jours. Ils n’auront aucune blessure apparente ; quant à leur santé mentale, c’est autre chose. Si le Maître n’est pas interrompu pendant sa colère, si l’humilité habite le cœur des Investigateurs et si ils se présentent en suppliants, Déméter reprendra sa forme de Tamash, deux grands fauteuils apparaîtront, les deux Maîtres s’assiéront et écouteront les suppliants avec un calme étonnant. Les Investigateurs auront la désagréable impression d’être des fourmis observées par des géants. Si le discours est cohérent et explique bien l’emprise de Milos et ses forfaitures, si le respect transparaît dans toutes leurs paroles la réponse sera la suivante : « Décidément un rien vous agite, mortels. Nous avons ouvert la voie à Yog Sothoth, comme à un ami. Ce qu’il fait ne nous regarde pas. Mais vous êtes venus, risquant plus que votre vie pour nous soumettre votre supplique. Andros a toujours été fidèle et humble, honorez-le. Nous demanderons à Yog d’aller ailleurs, nous pouvons lui proposer d’autres ouvertures, il nous écoutera sans doute. Mais pour cela, il faudra que chacun de vous nous donne la chose à laquelle il tient le plus. Réfléchissez et revenez vite avec vos présents avant que nous changions d’avis. Allez. »

À ce moment-là, les Investigateurs se souviendront qu’Andros leur avait raconté qu’une femme du village avait fait une supplique à Déméter pour retrouver son enfant perdu. Cela lui avait été accordé mais elle avait dû leur sacrifier quelque chose d’important. Ce fut ni plus ni moins que sa fertilité. Les deux dieux sont très durs en affaires. Des Investigateurs qui ont tenté cette aventure avant vous ont laissé à titre d’exemple : son don artistique pour une poétesse et son nom pour un noble. Donner de l’argent est très mal vu.

De retour dans le temple d’Andros c’est à eux de jouer. Ils peuvent entendre parler d’autres crimes commis, mais surtout ils se font de plus en plus harceler par les gens de Milos (comme si il était au courant — ce qui est le cas -, les Grands Maîtres sont très joueurs). Il faut à tout prix que les Investigateurs protègent également Andros qui va être menacé, car sans lui le retour aux Grands Maîtres est impossible. Course contre la montre, stress, angoisse et paranoïa doivent présider au délicat choix du don.


Prologue

Au maître de jeu de décider si le cadeau est fait du fond du cœur, les Grands Maîtres ne sont, bien sûr, pas dupes. Si tout se passe bien, les investigateurs retrouvent leur corps d’origine (qui, si ils s’étaient mal protégés pour la seconde cérémonie auraient pu être tués par Milos et ses amis), ce qui ne veut pas dire que tous les problèmes sont résolus.

Yog-Sothoth va en effet choisir d’autres portes (ce qui n’est qu’à moitié satisfaisant). Le sorcier et ses sectateurs vont être fous furieux. Milos, lié à son maître, perçoit effectivement que ce dernier s’en va vers d’autres horizons. Et il a comme l’impression que les étrangers qui mettaient leur nez partout y sont pour quelque chose. C’est le moment ou jamais, pour les Investigateurs, d’apprendre à courir.


Scénario issu du Casus Belli 72, écrit par Nathalie Achard et illustré par Jérôme Lereculey

Je crois que ce sont les petites choses, les gestes quotidiens des gens ordinaires qui nous préservent du mal.

Gandalf